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Le rôle de l'entreprise dans la Cité

Le rôle de l'entreprise dans la Cité


Aujourd'hui, la question du rôle de l'Entreprise dans la société qui l'entoure se pose avec une acuité croissante.

 

L’entreprise n’est pas une entité indépendante qui vit son activité de manière autarcique. Elle est immergée dans la Cité, avec tout ce que cela implique de positif comme de négatif. Si elle profite des infrastructures publiques qui favorisent son expansion, elle supporte également le poids des charges qui permettent de financer ces mêmes infrastructures. De même, si elle bénéficie du système éducatif qui forme les salariés qu’elle emploie, elle doit également alimenter les caisses de protection sociale… les exemples peuvent être multipliés à l’envi, tout montre que l’Entreprise et la Cité sont comme le bernard l’hermite et sa coquille, c’est à dire en symbiose.

 

Cette relation Entreprise-Société a changé. La lutte des classes symbolisait l’opposition entre salarié et employeur ; ce rapport de force faisait de l’entreprise une forteresse hostile qu’il était bon de prendre. Les « gens du château » étaient les patrons, l’entreprise était leur outil d’oppression. Et puis cela à évolué. Le grand soir n’a jamais eu lieu, les masques sont tombés, les vessies et les lanternes ont été de nouveaux distinctes. En même temps que les mythes s’effondraient, les syndicalistes n’avaient plus le couteau entre les dents et les patrons fumaient autre chose que des cigares. Puis les salariés, enfin certains d’entres eux, ont osé dire qu’ils aimaient travailler voire, pire encore, qu’ils aimaient leur entreprise. Les patrons ont reconnu que leur entreprise ne vaudrait pas grand chose sans employés. Il est même devenu question de « fidéliser » ses salariés. Ensuite, l’Etat est devenu de plus en plus défaillant. Les crèches manquent ? L’entreprise va en mettre en place. Le nombre de chômeurs augmente et on n’arrive plus à financer la protection chômage ? L’entreprise va payer plus de charges sociales…. Là encore, les exemples sont légion. L’entreprise est devenue progressivement le tuteur de l’Etat, finançant ce que celui-ci ne peut financer, gérant ce qu’il ne sait pas gérer. Donc, in fine, la relation a changé à la fois pour des raisons de pragmatisme lucide et sous la contrainte.

 

Ce rôle très impliqué a conduit l’entreprise à assumer un nombre excessif de tâches et à financer trop de sujets sans en retirer d’avantage ni même de contrepartie. Le poids de cela devient trop lourd, l’entreprise n’a pas vocation à assumer des charges exorbitantes de son objet social. Par conséquent, il convient soit de réduire cette implication, soit de faire en sorte que l’entreprise soit indemnisée sous une forme ou sous une autre pour ce qu’elle fait. A titre d’exemple, l’entreprise peut contribuer à la résorption du chômage, mais elle devrait en contrepartie bénéficier d’allègements, voire d’exonération totale, de charges sociales sur les salaires versés aux salariés concernés et ce pour une durée et un montant nettement plus incitatifs que cela ne se pratique aujourd’hui de manière pointilliste et diluée dans la cadre des divers dispositifs aidés.

 

L'évolution de la relation entre Entreprise et Société passe probablement par de la pédagogie et de la communication. Quitte à enfoncer des portes ouvertes,  (ré)-expliquer que l’entreprise crée des emplois grâce à sa propre croissance, et que pour croître elle ne doit pas courir le 100 mètres avec un boulet fiscal et social aux pieds…., expliquer que l’impôt est « normal » mais qu’il ne doit taxer que des profits réels et non pas des espérances de gain … ; expliquer que les intérêts des employeurs et des salariés convergent et doivent converger pour le bien de la Société et celui de l’Entreprise…. Donc, oui à un rôle de l’Entreprise dans la Cité, mais à condition que ce rôle soit reconnu, et pas à n'importe quel prix. Seule cette reconnaissance permettra à tous les acteurs économiques de prendre conscience de l’importance du rôle de l’Entreprise ; seule cette reconnaissance amènera l’Entreprise à s’impliquer dans la Cité, ne serait-ce que pour des raisons de retombées immatérielles (image, communication…). A titre d’exemple, certaines entreprises détachent des salariés auprès d’ONG. Elles rémunèrent ainsi ces salariés pendant la durée du détachement, alors qu’ils ne leur rapportent rien, hormis un peu de « rayonnement » externe. Favoriser ce type de relations en exonérant les salaires concernés de charges sociales pendant la durée du détachement inciterait certainement d’autres entreprises à franchir le pas, et tout le monde y gagnerait, le budget de l’Etat, les finances des ONG et l’image des entreprises…

 

Le domaine "naturel" d'intervention des entreprises qui vient en premier à l’esprit est celui de l’Emploi : l’entreprise doit assumer un rôle de pourvoyeur d’emplois et recruter dès qu’elle le peut. Le second est celui de la formation. Le système éducatif ne fournit plus les compétences dont les entreprises ont besoin faute de savoir identifier aujourd’hui les besoins des entreprises de demain ; Il s’agit là encore d’une faillite car à quoi sert un système éducatif qui produit une part si importante de futurs chômeurs aux compétences inadaptées au monde qui les entoure ? Dès lors, lorsque l’entreprise recrute elle doit prendre en charge la formation pour donner à ses recrues les compétences qui leur manquent…

 

Le pragmatisme et l’aspect concret de son activité au quotidien fait de l'entrepreneur immergé dans le monde qui l’entoure un spectateur critique de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Sous réserve qu’il le souhaite, il est donc un témoin clé et un moteur potentiel de réformes. Et Dieu sait si les réformes sont nécessaires !!! Nous pourrions même aller jusqu’à dire que si l’entreprise ne s’empare pas du thème de l’intérêt général, qui le fera ? Certes, le Politique a pour vocation théorique d’assumer ce rôle mais pêche par méconnaissance des sujets pratiques.  Seule l’entreprise, qui vit par et pour la Cité, est à même de constater ce qui ne fonctionne pas, d’imaginer des solutions et de les proposer au Politique, qui devra les traduire sous forme de lois….

 

L’entreprise qui accepte de jouer le jeu, là encore, du pragmatisme, qui prend les compétences là où elles se trouvent et qui est consciente de son importance dans son environnement économique local a un rôle primordial à jouer. Elle peut favoriser la mixité sociale et culturelle tout en atteignant ses propres objectifs de développement. L’entreprise est un creuset. Mais d’un creuset il ne sort quelque chose de bon que si l’on connaît les bons alliages.

 

 

Joël Pain

Directeur général de Planet Finance

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