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Opération au Mali et intérêts économiques français

Opération au Mali et intérêts économiques français


Est-ce qu’il ne s’agit que d’une guerre contre la menace terroriste, ou est-ce qu’il y a aussi des intérêts économiques à défendre ? Quelques mines d’or – 43 tonnes extraites l’an dernier sur une production mondiale de 2 500 tonnes (soit moins de 2 %) – ne suffisent pas à faire du Mali une mine d’or. Cette ressource n’empêche pas le pays d’être classé comme l’un des plus pauvres de la planète, 170e sur 192 pour la richesse par habitant. Quelques espoirs de gisements pétroliers, mais rien de probant pour l’instant. L’économie malienne repose donc essentiellement sur une agriculture vivrière et le coton, avec une population qui vit majoritairement très en dessous du seuil de pauvreté. Pour la France, le Mali est un partenaire commercial très marginal. En revanche, et c’est ce qu’a mis en lumière, de manière violente, l’attaque survenue en Algérie, le Mali est au carrefour, au cœur d’une zone stratégique dont la France a intérêt à garantir la stabilité. Le site attaqué au sud-est de l’Algérie assure une production qui représente 20 % des exportations en gaz du pays, notamment vers la France. Total est aussi présent dans la région, modestement il est vrai. En revanche, nos prises de courant hexagonales sont largement branchées sur l’uranium au Niger, exploité par Areva.

 

Mais l’intervention militaire française au Mali peut-elle restaurer la stabilité de la région ?

 

Le problème est que si la guerre poursuit des buts économiques, elle a aussi des causes économiques et sociales dont la France est, en partie, responsable. Un spécialiste de la région rappelait récemment que derrière des chiffres en trompe-l’œil, qui couvrent souvent des dépenses militaires, l’aide économique réelle de la France aux pays du Sahel, notamment pour le développement d’une agriculture et d’un élevage dignes de ce nom, reste dérisoire. Il ajoute, je le cite : « Le seul espoir d’ascension sociale pour les jeunes au Mali réside dans les trafics et dans un djihad qui a toutes les chances de se focaliser sur l’ex-puissance coloniale. »

 

Et cela au risque que ce conflit au Mali ne s’enlise et ne se transforme en nouvel Afghanistan. Vouloir éliminer une menace terroriste sans se demander pourquoi elle a pris cette ampleur dans cette région, sans modifier quoi que ce soit du terreau sur lequel elle a pu prendre de l’ampleur, bref, traiter l’effet sans soigner la cause, cela risque de nous mener à l’échec.

 

 

Emmanuel Kessler
Rédacteur en chef adjoint et chef du pôle économie à LCI et Chroniqueur sur France Culture

 

 

Ce texte a fait l’objet d’une chronique sur France Culture et France Musique le 19 janvier 2013.

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